Six heures du matin, bord de mer à Bejaïa...
Le soleil se lève sur la mer, à la limite du point de jonction avec la cote. Il fait un petit peu frais, mais la journée s'annonce toride. Aujourd'hui, j'ai décidé de partir sur les traces d'Aphrodite, de sa Kabylie natale, de la pénétrer au coeur. La Kabylie ? Aphrodite ? A vous de choisir... Ou les deux... Un dernier coup d'oeil sur la carte. Par ou rejoindre Setif ? Vais-je prendre la N9 ou la N75 ? La N9 semble ètre la plus directe, mais on m'a parlé de gorges magnifiques sur cette route. J'ai envie de garder le meilleur pour la fin. La N75 par contre est une route de montagne. L'hésitation est brève. Il fera plus frais en altitude. Adjugé pour la N75 !
C’est à Amizour que commence l’ascension. La route abandonne le lit de l’oued. Et çà grimpe sec ! La route monte à l'assaut des montagnes, 400 mètres, 600, 800... Finalement la majeure partie de l'aller se fera à une altitude navigant entre 1000 et 1200 mètres. Il fait beau, le soleil brille, le ciel est pur d'un bleu sans nuages, et l'altitude aidant, il ne fait pas trop chaud. Quoique... vive l'air conditionné ! Les villages succèdent aux villages : Barbacha, Tizi Inevgiwen. Parfois des nappes de brumes incongrues accrochent des sommets. Il fait vert sur les montagnes ? Encore une idée reçue qui s’envole ! A Kedira, je franchis la cote 1000 mètres. Je suis troublé. La similitude de paysages avec certains plateaux brulés de soleil de mon Ardèche est étonnante. Mais les arbres sont plus rares, les teintes ocres. Quelque chose est en train de changer.
Je fais un arrêt à la mosquée Tala Ifassen, une toute petite mosquée perdue dans un vallon avec juste une dizaine de maisons autour. Une bâtisse de taille réduite, toute blanche décorée de frises turquoises, si loin de l’idée que l’on se fait des grandes mosquées … et d’une certaine façon si proche de nos églises de village. J’en profite pour escalader un piton voisin à 1200 mètres d’altitude. La végétation est rare, les montagnes sèches… a perte de vue. Enfin quelque chose qui correspond à mes aprioris ! Je ne pouvais pas avoir tout faux quand même ! Par comparaison, la mosquée d’Ain Roua est imposante, étonnante avec ce minaret avec des colonnes accolées. Mais j’y retrouve les mêmes teintes blanc et turquoise. Je continue ma route, et presque par surprise, j’arrive à Setif
Setif.... Je n'aurai pas trop de temps pour visiter la ville. Je ne la connais évidement pas, et n'ai pas vraiment envie de m'encombrer d'un guide. En plus je sens que je détonne dans le décor, je dois sentir le touriste par toutes mes pores. Je suis presque triste, je me rend compte que je ne pourrai pas en aussi peu de temps m'imprégner de l'atmosphère de la Kabylie. Alors je vais respectueusement rester simple spectateur, je vais me contenter d'admirer discrètement, sans déranger personne. Un tour au parc d’attraction, un coup d’œil médusé sur cette immense fleurs de lotus sur l’avenue Jean Jaurés, à moins qu’il ne s’agisse d’un palmier stylisé ? Soupir de résignation. Il a bien trop a voir, et mon temps bien trop limité…
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Direction Bejaïa par la N9. Je quitte Setif par Chikh el Aifa. La route est presque une autoroute, mais çà va changer… La route commence a descendre.
Le barage de Kherrata est un ouvrage assez imposant, mais le manque d'eau se fait sentir. Une bonne partie de la retenue est à sec. Il y a encore pas mal d'eau, mais vivement les pluies. Dire qu'en Provence on se plaint de la sècheresse ! Certains devraient faire un stage ici, ils raleraient moins...
Décidément, on ne m'avait pas menti à propos des gorges de Chabet el akra, à la sortie de Kherrata ! Sensation étrange pour l'européen ignorant que je suis. Je m'attendais à des chaos rocheux, pelé, désertique, et je me retrouve dans une gorge verdoyante d'ou l'eau n'est pas absente ??? Encore une idée reçue qui s'envole ! J'ai même l'étrange impression de me trouver dans une de mes vallées provençale ! Pour un rien je me croirais au bord de l'Ardèche, ou de la Drome du coté de Die, étrange sensation. D'accord l'oued Agrioun n'est pas le Rhone, il faut même bien regarder pour découvrir le filet d'eau qui court de bassins en bassins au milieu des galets. Et moi qui m'imaginais me retrouver dans le Sahara !
Je passe sur un nouveau pont, baptisé "pont du 8 mai 1945". J'en ai des frissons. On m'a raconté à Setif des histoires horribles sur cet endroit. Il parait que c'est de ce pont qu'on jetait les Kabyles qui avaient eu le tort de manifester le 8 mai 1945... Combien de personnes ont péri ici ? Si çà se trouve les restes de certains... Je préfère ne pas aller vérifier. Il y a des fantomes ici, je le sens. Mais je n'ai pu m'empécher de m'y arréter, de le parcourir à pied... et de laisser aller dans le courant une fleur que j'ai ramassé un peu avant.............
Et je tombe carrément des nues en découvrant les cascades de Kafrida des chutes d'eau de trente, quarante mètres tombant dans des bassins d'eau claire ou ma foi il y a foule ! J'hésite un peu, mais je ne résiste pas à rejoindre les baigneurs. Quel délice ! On me regarde un peu comme une bète curieuse. Puis une ou deux questions, oui je suis Français, puis.... Je ne sais pas trés bien comment je me suis retrouvé devant un thé à la menthe. C'est tout juste si je n'ai pas été invité à partager un coucous le soir ! Mais hélas mon emploi du temps est serré. Regrets... Vivement la retraite !
C'est à Souk el Tenine que je retrouve la Mediterranée. Déjà ? Je suis presque déçu................... Je longe le bord de mer. Un petit plouf au cap Aokas. Je suis de retour à la civilisation, Bejaïa est en vue, avec la montagne de Yema Gouraïa en arrière-plan. J'ai envie de prolonger un peu. Alors je pousse jusqu'au cap Carbon, je longe les Aiguades. Et je m'arrète au cap, Bejaïa à l'est, pendant que le soleil se couche à l'Ouest. Non, je n'ai pas trouvé Aphrodite. Mais je sens que je l'ai manquée de peu. Comment aurait-il pu en ètre autrement ? Tout est tellement immense ! Je suis à la fois triste est comblé. Qu'il est beau ton pays Aphrodite, et tu peux etre fière d'ètre sa fille ! Continue à l'aimer, à chanter ses louanges et le protéger ! Demain, je serai de retour à Alger ou m'attend un avion pour Marseille. Mais je reviendrai, fière fille de Kabylie, je reviendrai, promis...

Ni bombes, ni roquettes. Foutez VOUS la paix !