par coriolan » 20 Juil 2012 15:43
Le décor est sympathique, il s'agit d'un complexe rustique fait de cases individuelles et d'un bâtiment commun pour l'accueil, le bar, les cuisines et la salle de restaurant. Le tout panaché bois et pierres, couverture en chaume. L'ensemble est noyé dans les bougainvilliers et autres plantes exotiques odorantes et chatoyantes, avec à l'entrée une piscine d'un beau bleu mais remplie d'une eau croupie à l'aspect peu engageant ; peu importe, on n'est pas venu pour se baigner...
Au bar, on nous sert un cocktail de bienvenue, très peu alcoolisé mais d'une rare suavité. Puis on nous affecte nos cases, afin de déposer nos affaires et éventuellement nous changer, mais on nous demande de faire aussi vite que possible car le service du midi est prêt.
Nous prenons donc possession de nos chambres, C 14 pour les Js, C 15 pour les Claudes. Cette fois nous sommes voisins. Nous remarquons la suite numérique des cases de notre secteur "C", 11, 12, 12a, 14, 15, etc. Il n'y a pas de 13, ça porte malheur ! Ces British, tout de même !
Les cases sont également sympathiques quoique dépouillées : 2 lits séparés, 1 douche, 1 lavabo, 1 wc, eau courante et groupe électrogène à certaines heures. Ca nous suffit.
La première chose que fait Josette, c'est de retirer ses bagues et boucles d'oreilles car, on lui a dit que les Masaï sont voleurs et que pour se procurer une bague ils n'hésitent pas à couper un doigt ! Quelle est la part de vrai, on n'en sait rien mais dans le doute il vaut tout de même mieux enlever sa bague. On nous dit aussi qu'il ne faut pas les photographier avant de leur en avoir demandé la permission. Leur photo c'est leur âme ; prendre une photo, c'est voler leur âme. Il paraît que dernièrement un couple d'allemands a vu sa voiture lapidée à coups de pierres à cause de photos prises sans autorisation...On se le tiendra pour dit !
12 heures 30, repas composé d'un buffet campagnard, surtout des crudités, arrosé de vin type "pneu brûlé" qui fait les délices de Claudil, et d'un dessert gélatineux dont Jean-Pierre Coffe dirait...
Tout en déjeunant, nous constatons que la salle à manger se garnit peu à peu, et puis des têtes connues apparaissent. Ce sont des gens qui ont voyagé avec nous de Metz à Mombasa et qui, descendu au Reef où ils ont déposé leurs valises, ont opté pour un safari pendant toute la semaine en minibus Ils sont environ 25 pour 4 minibus. Ils sont ravis de leur circuit itinérant mais un peu fatigués,
- et ce n'est pas fini ! nous dit une dame avec une intonation qui nous fait pitié.
Autant pour eux que pour nous! Le café avalé les Claudes se précipitent vers leur case pour une sieste de première classe - mais pas coquine du tout, ils sont crevés !- tandis que les Js s'engagent aventureusement dans la réserve pour une petite promenade digestive. Ils sont jeunes ! Tellement jeunes que le service de sécurité les rappelle à l'ordre et les convie à rejoindre leur case départ ! On ne franchit pas les limites du camp sans guide officiel ! Scrogneugneu, c'est un vrai camp de concentration. Mais c'est vrai que les risques ne sont pas nuls ! Cependant Josette prend quelques photos d'éléphants à la sauvette et rebrousse chemin en bougonnant accompagné de son Jacky de mari.
Sur le pont qui enjambe la rivière Talek en bordure du camp, ils assistent à un spectacle de petits singes, du genre capucin, qui font les fous dans les branches des arbres en limite de la propriété. Comme de bien entendu, Josette, qui a de curieux rapports avec les animaux, a eu la frayeur de sa vie quand un gros babouin est passé en courant dans ses jambes : ââââh !
Vers 16 heures, les Claudes rejoignent les Js au bar, bien entendu. Haron, notre chauffeur est là, qui nous attend. Le vrai safari va commencer.
On reprend le 4x4 du matin et nous nous engageons dans la savane. Il a plu récemment et certaines pistes sont défoncées, qu'à cela ne tienne, notre 4x4 fait du tout-terrain avec beaucoup d'aisance. D'ailleurs tout le long du circuit il sera plus hors piste que sur piste, ce qui nous permettra de nous approcher de certains animaux; contrairement aux autres touristes en minibus, condamnés à voyager comme s'ils étaient à Thoiry !
Haron est formidable, il connaît bien son métier. Alors que nous roulons sur la piste et que chacun de nous, debout dans le 4x4 débâché, regarde à droite et à gauche sans rien apercevoir, lui, soudain pointe un doigt en direction des hautes herbes et annonce calmement :
- Là, devant, lion.
Et avant même que nous ayons vu quoi que ce soit, il s'engage dans la savane avec autorité et maestria, contournant ou négociant les ornières pleines d'eau. Soudain il ralentit et nous apercevons, tapie dans l'herbe, une lionne qui, consciencieusement se lèche le poitrail comme un gros chat. Il jauge le danger, contourne l'animal pour une meilleure prise de vue, s'approche, s'approche encore et laisse tourner le moteur au ralenti... Nous, béats d'admiration aussi bien pour l'animal que pour l'homme, nous mitraillons, engrangeant pour l'hiver.
Avec beaucoup moins de précautions, mais à bonne distance car une présence trop rapprochée les feraient fuir, il nous mène vers des troupeaux de gazelles de Thomson parmi lesquelles sont parfois égarés des topis ou autres waterbucks. Ce sont des milliers et des milliers de gentilles petites bêtes avec leur queue toujours en mouvement pour faire, va savoir, chasse-mouche ? D'accord, ni ventilateur ni balai de chiottes ! Merci Jacky. Et puis, soudain, au hasard d'un croisement, cachés par des arbustes, ce sont deux buffalos (buffles) qui nous dévisagent avec indifférence.
Plus loin, sur une mare de fortune, des oiseaux aux pattes jaunes et dont le nom nous échappe (je rappelle que le guide ne parle pas un mot de français, ce qui facilite la communication...), attirent notre attention. Et puis, plus loin ce sont des canards qui, suivis par leurs petits, tracent des sillons dans l'eau.
- Ils font comme chez nous, dit Jacky.
Bien sûr, cette blague, un canard c'est un canard ! Même au Kenya.
Ah ! au détour d'un chemin, dans un arbre, le long de la piste, nous avons vu le « blue naped mousebiro », l'oiseau bleu ! Ma-gni-fique, dit qui vous savez. Les femmes l'avaient raté en Côte d'Ivoire mais ici elles ont tout loisir de l'admirer car monsieur posait pour la photo ! Et puis à nouveau un félidé, mais c'est un lion cette fois qui a les yeux fixés sur la ligne d'horizon. Ostensiblement, il ne veut pas nous voir. Nous approchons pour le filmer et le photographier de plus près. C'est alors qu'en prenant son appareil, Josette laisse tomber sa paire de lunettes de soleil hors du 4x4. Le lion est à environ quatre à cinq mètres. Que faire ? Haron mesure le danger, jauge la distance qui sépare les lunettes du carnassier, fait une manoeuvre afin de positionner au mieux son véhicule, c'est-à-dire d'amener le marchepied de la cabine au niveau de la paire de lunettes, de faire toujours face au lion et, tout en l'observant, descendre un pied puis un bras vers les lunettes à saisir, et d'un geste rapide mais pondéré, sans exaltation ni peur qui pourraient être ressenties par l'animal, s'en emparer. Bien entendu, il n'a pas été question de couper le moteur et le lion, habitué très certainement, a longuement respiré les senteurs de gasoil brûlé, façon comme une autre d'agrémenter son quotidien.
On a eu chaud ! Enfin, quand je dis qu'on a eu chaud, c'est une façon de parler car nous sommes sur un plateau de 1500 mètres d'altitude, et on a beau être protégé par une chaîne de montagnes de moyenne importance à l'est, le vent souffle en rafales continues. Le soleil peut être de la partie, le vent balaie allègrement ses rayons. On a eu chaud ! cependant car,
gag :
Jacky : Haron, it is dangerous (il parle un peu anglais tout de même, ce petit Lorrain).
Haron : Oui (et lui, un peu français...)
Jacky : Et si... lion vouloir... (il fait le geste de quelqu'un qui en étrangle un autre)
Haron : Non ! Me...vroumm (il fait le geste du conducteur qui démarre)
Jacky : Et si on avait eu une panne ?
Haron : ( ne comprenant pas le mot) ...panne ?
Claudil: (à Jacky) Ben, il se servirait de son talkie-walkie.
Haron : (comprenant) Talkie-walkie ? Non ! No talkie-walkie !
Claudil: But... pistolet?... browning ?
Haron : No !
Claudil: Alors ? Heu...then ?
Haron : Wait ! (traduction : attendre les secours !) L’histoire ne dit pas comment les secours auraient été prévenus !
Et puis, plus loin Haron a dépisté des girafes. Dans les grandes herbes, ça, c'est facile ; même Claudil les a vues! C'est dire ! A peu de distance des girafes cheminant à pas lents et un peu maniérés comme notre précieuse de Mombasa, des chacals se livrent à des jeux de pattes avec une innocence apparente. Faudrait peut-être pas trop s'y fier !
Soudain notre chauffeur, qui depuis quelques instants guette à droite et à gauche et poursuit sa route en zigzaguant dans la savane, s'arrête, descend du 4x4 et s'approche d'une bouse énorme qu'à premier abord on aurait pu prendre pour quelque grosse taupinière. Il la touche, constate qu'elle est fraîche, et nous dit :
- Elephant
Voyant, un peu plus loin, de l'herbe foulée sur plusieurs mètres, comme dans les jeux de piste :
- There, dit-il, en tendant le doigt vers l'est.
Il reprend son volant et, d'une allure assurée se dirige vers des taillis derrière lesquels nous débusquons un vieux solitaire qu'il juge prudent de nous faire admirer à bonne distance. Mais l'éléphant nous dévisage avec indifférence, il n'a cure de la présence des touristes photographes ! Il faut dire qu'il a l'habitude...
Il commence à faire frais, Haron propose de rentrer mais chemin faisant, nous ne manquons pas un ballet d'autruches encore plus précieuses que notre précieuse à nous. Nous apprenons que les plumages noirs, ce sont les autruches mâles, et les plumages gris, les femelles. Et puis, alors là, chapeau Haron ! sur la piste du retour au camp, il nous a débusqué une famille de lions avec la femelle et, à bonne distance, toujours le regard sur la ligne d'horizon, et la narine frémissante, le lion superbe et majestueux, tandis que, tapis dans l'herbe, à tel point tapis qu'il nous a bien fallu deux minutes d'observation pour en compter les petites têtes, quatre lionceaux sages comme des images baillaient au plaisir d'exister dans un décor aussi ma-gni-fique, comme dirait Claudel à juste titre. Spectacle émouvant, rare.
18 heures 30, morts de fatigue nous sommes de retour à Fig Tree Camp, la nuit est tombée. Un passage furtif dans les cases pour les hommes, histoire de se dépoussiérer, plus long pour les femmes qui se refont une beauté. Et on se retrouve au bar d'abord, (les hommes) et à table ensuite (ensemble) pour le repas du soir. Le repas avec son fameux dessert dont Jean-Pierre Coffe disait récemment, aux grosses têtes, que c'en était !
Nous regagnons nos chambres en regardant le ciel, en contemplant les constellations. C'est un safari stellaire hors programme. Surprise, Claudel découvre la Grande Ourse, mais pas la Polaire, tout de même...
Il est 21 heures ; ce n'est pas encore ce soir qu'on fera une belote. On est crevé, fourbu. A demain.
(à suivre)
L'espoir de l'Océan est au cœur de la Source