par coriolan » 03 Oct 2011 12:52
- Ce nom divin vient d'un mot grec, interrompt Vianney toujours heureux de faire étalage de ses connaissances.
- Oui, acquiesce Ylem, à moins que ce ne soit le contraire.
- Cela n'a pas grande importance, tente de conclure Ahmed.
- Hé! Peut-être que si ! Aristote, toujours lui, n'écrivit-il pas: "Voulez-vous découvrir avec certitude la vérité ? Eh bien, séparez avec soin ce qu'il y a de premier, et tenez-vous à cela". La Grèce, ce n'est pas la Mésopotamie, mais cela nous en rapproche singulièrement.
La Mésopotamie ! Ah ! Voilà un nom qui réveille chez Vianney des souvenirs autrement plus anciens que ceux qu'ils sont censés évoquer : sa classe de 6ème !
- La Mésopotamie, c'est quoi déjà ? Et c'est où ?
- La plus ancienne civilisation de l'humanité, à deux pas de l'Eden biblique. Coïncidence ? Peut-être pas tant que cela...Quoi qu'il en soit, pour en revenir au dieu qui nous concerne, que vous l'appeliez Yahvé, Zeus, Jéhovah, Allah, Jupiter, Amon, El, Bellemus, Odin, Atman, etc., notez que tous ces dieux existent bel et bien puisqu'ils ont été enfantés par la spiritualité humaine, mais qu'ils ne sont que des émanations d'une entité psychique unique, et qu'ils répondent au nom générique de Gnos.
- Mais, s'indigne Ahmed, on retombe en plein paganisme !
- Bien vu, jeune homme. Le paganisme est vieux comme le monde, et sans le totalitarisme du christianisme et de l'islamisme, le monde païen aurait perduré jusqu'à nous. Je vous rassure tout de suite, il renaîtra de ses cendres et il a encore de beaux jours devant lui.
- Le paganisme ? Mais c'est rétrograde ! s'insurge Ahmed.
- C'est toi qui le dis ! N'oublie pas que la notion d'un dieu unique est née dans le désert. Pour enfanter d'un dieu sec comme le sable et le simoun, l'idée ne pouvait nicher que là. Sache que, sans la dissidence d'Akhénaton, le pharaon hérésiarque et inventeur du monothéisme, Moïse n'aurait jamais rêvé sa folle aventure, et ses deux fils spirituels, Jésus et Mahomet, seraient restés dans les limbes de l'histoire.
Là, pour les jeunes gens, la Mésopotamie... passe encore. Mais Akhénaton ! Qu'est-ce que c'est que celui-là ? Et qu'est-ce que Moïse peut bien avoir affaire avec lui ?
Ylem qui remarque la difficulté, précise :
- Akhénaton, fils d'Aménophis III, fut le quatrième pharaon de la XVIII dynastie. Ca nous rajeunit de quelque 34 siècles. Une paille ! Il commença son règne sous le nom d'Aménophis IV. L'Egypte rendait alors un culte officiel au dieu Amon associé au dieu-soleil Ré, Amon-Ré.
Sous la pression des prêtres adorateurs des dieux déchus : Osiris, Horus, Isis, etc., une cabale se fomenta et le jeune pharaon prit parti lui aussi contre Amon-Ré, non pour restaurer le culte ancien, mais afin d'établir une nouvelle religion dont il serait, seul, le serviteur suprême, désarmant du même coup le puissant et tentaculaire clergé au service d'Amon-Ré.
Le pouvoir lui en donnant la possibilité, il imposa donc son nouveau dieu "Aton" qui, en langue égyptienne, signifiait "disque du soleil", en hommage à la force vitale sans quoi rien n'existe: "O vivant Aton, principe de vie !" (Hymne au Soleil d'Akhénaton). Cette force étant unique, il en fit un dieu unique, puis abolit le polythéisme ancien et alla jusqu'à changer son nom d'Aménophis, en Akhénaton (celui qui est agréable à Aton).
Et le monothéisme était né. Quant à Moïse, sachant que les ancêtres d'Akhénaton se sont appelés successivement: Kamosis, Ahmosis, et Touthmosis, il faut que vous soyez aveugles pour ne pas avoir fait un rapprochement entre ces "mosis" et ce "moïse" qui fut pris en "amitié" filiale par la fille de... Pharaon (Ex: 2:10) ! A noter qu'en hébreu Moïse est devenu "Mosheh", c'est-à-dire "tiré des eaux", justifiant ainsi le récit mosaïque que l'on connaît. Ce sont les nécessités de la légende...
Avec Moïse, continuateur de l'esprit d'Aton, apparait Yahvé, le dieu jaloux des autres dieux; Yahvé le protecteur de la nation hébraïque qu'il choisit pour son service sacerdotal. Vous savez la suite...
Bref, pendant que le désert accouchait de son monstre envieux et belliqueux, dans les pays florissants, aux couleurs vertes, jaunes, rouges et bleues, les dieux de la forêt, des moissons, des fleurs et de la mer s'épanouissaient. Ils vivaient en harmonie avec l'univers, au coeur des cités, au milieu des hommes qu'ils régissaient sous des lois faites pour tous, y compris pour eux-mêmes. Allez trouver cela quelque part actuellement ! Les dieux étaient des amis accessibles. Que souhaiter de mieux ? Et puis, sous l'invasion barbare, de la chrétienté d'abord, vers l'occident, et de l'islam ensuite, vers l'orient, les dieux se sont couchés. Mais ils dorment. Et c'est vous qui allez les réveiller, au nom du Gnos.
- Excuse-moi, interrompt Vianney, si j'ai bien compris ce que tu as dit, tu me demandes, à moi chenille, de faire quelque chose en faveur de la forêt de papillons qui m'ignore... c'est bien cela ?
- Absolument.
- Mais pourquoi le ferais-je ?
- Parce que la société humaine va vers sa perte, et qu'il est grand temps de la secouer. Il faut établir une société nouvelle sur d'autres bases que celles qui mènent au chaos. Tout est mensonge, même dans le sacré. Bien sûr que oui, même dans le sacré !
Et jetant en vrac tout ce qu'il semble 'avoir sur le coeur' depuis deux millénaires, Ylem de s'emballer:
- D'abord les juifs, qui se veulent être le peuple élu d'un Dieu ! Peut-on imaginer plus pyramidale vanité ? Plus phénoménale bouffissure d'orgueil ? Plus extravagante mégalomanie ? Que dis-je, mégalomanie ? hypermacromanie ! Et les peuples civilisés qui ne disent mot de crainte d'être taxés d'antisémitisme !
Et les catholiques ! 'Catholique' vient du grec 'katolikos' qui veut dire 'universel', alors que le monde regorge de croyances les plus diverses. Et personne ne bronche; c'est normal ! Il y a tromperie, mais on ne dénonce pas l'abus de confiance, la duperie. Vieille réminiscence de l'inquisition, sans doute, on se retranche derrière l'ignorance étymologique. Ben, voyons !
Et les musulmans ! En arabe islâm veut dire 'soumission'. Là, c'est le contraire : pas de mégalomanie, pas de prétentions, c'est le rabaissement pur et simple de l'individu. Mektoub et Inch' Allah, sois soumis ! Or le Gnos n'a que faire de la soumission ou de l'insoumission des hommes, ses desseins passent par des voies que seuls des imposteurs peuvent se vanter de connaître.
Il faudrait peut-être, enfin, que la multitude comprenne que tout ceci n'est que mensonge et dénonce ces croyances qui brisent l'homme dans sa mission d'homme. De plus, comble d'aberration, tous ces êtres intelligents et pieux, au nom de leurs principes religieux divergents - dont chacun des ministres revendique l'authenticité historique, s'autodétruisent pour la plus grande gloire de "leur" Dieu qu'ils prônent à l'envi ! Si personne ne sait faire valoir la stupidité de ce comportement, l'humanité court inéluctablement à sa perte. Le Gnos lui-même est en danger de mort !
- La mort de l'homme tuerait Dieu ? s'exclame Vianney, plus surpris par cette éventualité que par la virulence du réquisitoire.
- Sans aucun doute, et vous comprendrez pourquoi demain. Pour cela, écoutez-moi bien, il va vous falloir d'abord assimiler deux choses essentielles: l'évolution de l'univers et la constitution du Gnos.
En ce qui concerne le premier point, l'univers est comme une immense baudruche extensible, caractéristique qu'il conservera jusqu'au 'jour' où, lorsque le souffle énergétique initial ne pourra plus assurer son expansion, il cessera de s'étendre. Le ballon se contractera, regroupera ses mondes épars, se tassera, s'effondrera sur lui-même; le tout ne deviendra plus qu'un point, puis...plus rien. L'immense énergie de l'Ontos aura rejoint la force d'inertie de l'Antôn, au sein du Néant reconstitué. Notez que l'Ontos originel serait apparu à un observateur avisé comme une minuscule poussière générée spontanément, poussière qui, à vue d'oeil, serait devenue petit pois, ballon de football, dôme des Invalides, Lune, Soleil, Galaxie, amas galactique puis univers. Ceci dans un sens, puis dans un sens opposé après être parvenu à la valeur critique de l'univers, c'est-à-dire au moment où sa force de gravitation qui l'attire au centre devient plus importante que sa force d'expansion qui le disperse. Et puis, comme un yo-yo, l'univers resurgit du Néant, s'y replonge, etc.
A l'heure où je vous parle, l'univers a déjà connu plus de dix big-bangs suivis d'autant de big-crunchs (moins un, bien entendu !). Vous ne pouvez pas en avoir le souvenir, mais je vous assure que vous vous connaissez depuis plusieurs éternités (étant entendu par éternité, une existence complète de l'univers).
- Ainsi donc, c'est vrai ! exulte Ahmed, les Arabes ont raison quand ils disent "mektoub", c'est écrit! C'est bien écrit...et depuis toujours !
- Oui, l'histoire a déjà été écrite plus de dix fois, mais hélas ! elle a été librement lue et relue chaque fois de la même façon ! Toutefois, aujourd'hui, plus exactement depuis avant-hier, il y a un fait nouveau : moi. En me révélant, je suis devenu l'élément intrus qui n'a jamais été écrit. Mon intervention a été rendue nécessaire afin d'éviter que la triste épopée terrestre ne se termine comme d'habitude, c'est-à-dire mal...
- La terre ! la terre ! coupe Vianney, La terre n'est pas le centre de l'univers tout de même ! Tu ne parles que de la terre !
- C'est vrai. Mais si ailleurs c'est différent, ça revient au même. On dirait que les civilisations universelles se sont donné le mot pour tirer à hue et à dia ! Quoi qu'il en soit, et ne t'en déplaise, en ce qui me concerne c'est la Terre qui m'intéresse. Vous aussi d'ailleurs, non ? La Terre doit être l'unique objet de nos préoccupations. Et il va y avoir fort à faire car à partir de ce moment le destin de l'humanité doit changer. Ceci étant, j'ignore bien entendu comment ce cycle se finira - c'est l'inconvénient - mais ça ne saurait être pire que ce qu’il en fût… précédemment !
(à suivre)
L'espoir de l'Océan est au cœur de la Source